Le chat noir - 1
Ce soir là, je suis allé au château. C’est Célia qui m’a fait connaitre cet endroit. Depuis, elle a déménagé en Nouvelle-Zélande, ayant rencontré, lors d’un voyage, l’amour de sa vie, une jolie blonde fine et longue comme une liane.
Le château n’est pas un château. C’est une maison bourgeoise du XVIIIème siècle auquel un propriétaire a fait rajouter un pigeonnier qui ressemble à une tour. Pour les gens du coin, c’est devenu le château.
Il s’en passe de belles au château. C’est le rendez-vous de toutes les gouines de Paris.
Pour mes lectrices ou lecteurs qui ne connaissent pas l’argot français, une gouine est une lesbienne qui mène une vie dissolue ou qui affiche de façon outrancière (selon certains) sa préférence pour les femmes.
De péjoratif, ce terme est devenu un étendard dont se parent, par provocation, les mouvements LGBT.
Les soirées au château débutent comme toutes les soirées. Il y a de la musique, de quoi grignoter et boire. Et d’autres choses, pour celles qui aiment planer.
A partir d’une certaine heure, l’ambiance commence à changer. Les filles se font plus entreprenantes et dénudées et, s’il reste un brouhaha de fond, les bruits de succion et les gémissements remplacent les paroles et les rires.
Les pièces sont agencées avec goût. Les canapés sont larges et profonds et l’aménagement des lieux réserve des espaces plus privatifs.
Je suis venue avec deux femmes, Andrea et Marion. Elles sont en couple et je les ai rencontrées quelques semaines auparavant. Elles m’ont présentée à toutes les femmes présentes, comme un trophée.
Nous avons commencé à faire l’amour ensemble. Puis, au fil des heures, je suis passée entre les mains et sous les bouches d’autres femmes.
Je suis allongée sur un tapis épais. Une femme a introduit dans mon vagin un gode qui bouge en moi et me procure d’agréables sensations. Une langue s’occupe de stimuler mon clitoris, une autre bouche suce mes tétons.
Les yeux mi-clos, je savoure leurs caresses et je sens que, lentement, je vais escalader les marches qui mènent au plaisir.
Quand j’ouvre les yeux, elle est là. Deux autres filles l’entourent, mais je ne vois qu’elle. Elle me regarde droit dans les yeux et je ne peux pas ne pas remarquer ses yeux vairons, tellement caractéristiques. C’est Alice, le chat noir.
Sa bouche est légèrement ouverte et son regard manifeste la stupéfaction qu’elle éprouve à me voir dans ce lieu et dans cette situation.
Progressivement, les yeux brillants d’Alice passent de la surprise à l’intérêt. Je perçois même une forme de complicité entre elle et moi.
Repoussant ses copines qui veulent sans doute trouver un coin tranquille, elle attend tranquillement que mes compagnes éphémères me fassent jouir.
Et c’est ce que je lis dans son regard. ‘’Offre-moi ton plaisir’’ semble t’elle me dire. ‘’Jouis pour moi’’.
Je ne sais pas ce que je devrais faire, en temps normal, car rien n’est normal. Alors, je capte à nouveau le regard étrange d’Alice et je lui offre impudiquement ce qu’elle attend, mon plaisir, mes gémissements, les mouvements incontrôlés de mon orgasme. Et je jouis, d’un plaisir puissant, décuplé par la transgression.
Lorsque, après quelques instants d’absence, je rouvre les yeux, elle a disparu, elle et ses copines. On pourrait croire que j’ai rêvé. Mais je sais bien que non. Et je sais aussi que je vais devoir gérer une situation difficilement contrôlable.
En même temps, j’ai vraiment pris du plaisir à être ainsi vue par Alice. Une fois de plus (une fois de trop ?), j’ai transgressée la règle de prudence que j’observe, tant bien que mal, depuis que j’enseigne : bien séparer ma vie privée de ma vie professionnelle.
Car Alice est en Terminale dans le lycée ou j’enseigne. Et je suis sa professeure de Français.
Certains de mes collègues l’ont surnommée ‘’le chat noir’’, en référence au personnage du Mistigri.
Dans ce jeu de cartes, on doit associer les personnages par paire et éviter de conserver la carte du chat noir en la refilant à un autre joueur, car celui qui a perdu est celui qui se retrouve avec cette carte en main, à la fin de la partie.
C’est ainsi que plusieurs lycées et plusieurs classes se sont refilés Alice, élève indisciplinée et peu motivée par les matières enseignées.
Il est rare qu’elle ait passé une année scolaire entière dans le même établissement. Non pas qu’elle soit de ces élèves qui perturbent une classe. Le problème est ailleurs.
Elle est toujours au centre d’embrouilles diverses et fait régulièrement le coup de poing, pour un oui ou pour un non, avec des filles ou même des garçons.
Dans un établissement dont elle s’est faite renvoyée, elle a été surprise dans les WC avec une autre personne. L’établissement n’a pas dit si l’autre était une fille ou un garçon.
Physiquement, elle est brune, cheveux mi-longs. Son visage est assez mince, comme celui d’un chat. Un chat qui aurait un piercing dans le nez. Et elle a un regard qui fascine. Un œil bleu et l’autre marron/vert. Des yeux vairons, ce qui est assez rare et qui perturbe souvent celui ou celle qui la regarde.
Eté comme hiver, elle porte un perfecto de cuir noir, aussi usé que s’il avait appartenu à Marlon Brando. Et des jeans, de préférence un peu déchirés. Bref, un look ‘’grunge’’ qui ne contribue pas à améliorer son image auprès des profs, mais qui lui vaut l’estime d’une partie des élèves.
Je n’ai pas de problèmes avec elle. Elle semble plutôt intéressée par la littérature et la poésie, mais elle a visiblement décidé de ne travailler que lorsqu’elle en a envie. Et elle semble avoir des nuits courtes car elle pique du nez assez souvent.
Elle aime bien la provocation. Je me souviens d’un cours ou j’avais revêtue une jupe très courte. J’ai, en effet, décidé une bonne fois pour toutes de m’habiller comme j’en ai envie, même si ça ennuie certains.
Assise à mon bureau, j’ai constaté, au bout de quelques minutes qu’Alice était placée de façon à avoir une vue plongeante sur mes cuisses et probablement avait-elle vu ma culotte.
Au lieu de faire comme si elle n’avait pas fait exprès de se décaler un peu sur sa chaise, elle m’a souri et a soutenu mon regard.
J’ai décidé de ne pas réagir et je suis restée exactement dans la même position. A la fin du cours, elle est passé devant mon bureau et, d’un air narquois, m’a dit ‘’merci’’ de façon à ce que je sois la seule à entendre.
Trois jours après, mes élèves m’ont remis le devoir que je leur avais demandé sur la poésie romantique au XIXème siècle.
Dans la copie d’Alice, j’ai trouvé un dessin, celui d’une jeune femme nue et alanguie sur des coussins, la main placée sur son sexe. Il fallait être aveugle pour ne pas se rendre compte que la jeune femme me ressemblait trait pour trait.
J’ai gardé le dessin et, là encore, j’ai fait comme si je n’avais rien vu.
Puis il y a eu ces regards appuyés et un changement de comportement. Alice est soudain devenue une élève active, participant au cours et désireuse de plaire à sa professeure.
Vérifiant auprès de mes collègues, je constate que mon cours était le seul ou elle s’était ‘’réveillée’’.
Il en faut plus pour me troubler. Néanmoins, il m’a semblé la voir, au moins deux fois, qui me suivait dans la rue. Coïncidence ou essayait-elle de savoir ou j’habite ?
Je me suis dit que je me faisais des idées. Jusqu’à cette nuit, au château.
Après avoir fait l’amour avec plusieurs femmes, je me suis attablée au bar, juste vêtue de ma culotte.
J’ai questionné discrètement plusieurs personnes, dont Andrea et Marion. Personne n'a le souvenir d’Alice ou d’une fille lui ressemblant.
Avais-je rêvé ?
J’ai eu la réponse, plusieurs jours après, dans ma boite mail. Je donne une adresse mail à mes élèves, c’est plus facile pour communiquer.
Alice n’a pas vraiment cherché à se cacher. Un message envoyé par ‘’chat_noir’’ m’attendait. Il y avait deux pièces jointes, deux photos de moi, prises lors de cette nuit au château.
Et un texte assez court : ‘’Puis-je passer chez toi, demain soir ?’’
Je ne me formalise pas pour le tutoiement. Pas en dehors du lycée. Et je réponds simplement ‘’oui’’.
(à suivre)
Le château n’est pas un château. C’est une maison bourgeoise du XVIIIème siècle auquel un propriétaire a fait rajouter un pigeonnier qui ressemble à une tour. Pour les gens du coin, c’est devenu le château.
Il s’en passe de belles au château. C’est le rendez-vous de toutes les gouines de Paris.
Pour mes lectrices ou lecteurs qui ne connaissent pas l’argot français, une gouine est une lesbienne qui mène une vie dissolue ou qui affiche de façon outrancière (selon certains) sa préférence pour les femmes.
De péjoratif, ce terme est devenu un étendard dont se parent, par provocation, les mouvements LGBT.
Les soirées au château débutent comme toutes les soirées. Il y a de la musique, de quoi grignoter et boire. Et d’autres choses, pour celles qui aiment planer.
A partir d’une certaine heure, l’ambiance commence à changer. Les filles se font plus entreprenantes et dénudées et, s’il reste un brouhaha de fond, les bruits de succion et les gémissements remplacent les paroles et les rires.
Les pièces sont agencées avec goût. Les canapés sont larges et profonds et l’aménagement des lieux réserve des espaces plus privatifs.
Je suis venue avec deux femmes, Andrea et Marion. Elles sont en couple et je les ai rencontrées quelques semaines auparavant. Elles m’ont présentée à toutes les femmes présentes, comme un trophée.
Nous avons commencé à faire l’amour ensemble. Puis, au fil des heures, je suis passée entre les mains et sous les bouches d’autres femmes.
Je suis allongée sur un tapis épais. Une femme a introduit dans mon vagin un gode qui bouge en moi et me procure d’agréables sensations. Une langue s’occupe de stimuler mon clitoris, une autre bouche suce mes tétons.
Les yeux mi-clos, je savoure leurs caresses et je sens que, lentement, je vais escalader les marches qui mènent au plaisir.
Quand j’ouvre les yeux, elle est là. Deux autres filles l’entourent, mais je ne vois qu’elle. Elle me regarde droit dans les yeux et je ne peux pas ne pas remarquer ses yeux vairons, tellement caractéristiques. C’est Alice, le chat noir.
Sa bouche est légèrement ouverte et son regard manifeste la stupéfaction qu’elle éprouve à me voir dans ce lieu et dans cette situation.
Progressivement, les yeux brillants d’Alice passent de la surprise à l’intérêt. Je perçois même une forme de complicité entre elle et moi.
Repoussant ses copines qui veulent sans doute trouver un coin tranquille, elle attend tranquillement que mes compagnes éphémères me fassent jouir.
Et c’est ce que je lis dans son regard. ‘’Offre-moi ton plaisir’’ semble t’elle me dire. ‘’Jouis pour moi’’.
Je ne sais pas ce que je devrais faire, en temps normal, car rien n’est normal. Alors, je capte à nouveau le regard étrange d’Alice et je lui offre impudiquement ce qu’elle attend, mon plaisir, mes gémissements, les mouvements incontrôlés de mon orgasme. Et je jouis, d’un plaisir puissant, décuplé par la transgression.
Lorsque, après quelques instants d’absence, je rouvre les yeux, elle a disparu, elle et ses copines. On pourrait croire que j’ai rêvé. Mais je sais bien que non. Et je sais aussi que je vais devoir gérer une situation difficilement contrôlable.
En même temps, j’ai vraiment pris du plaisir à être ainsi vue par Alice. Une fois de plus (une fois de trop ?), j’ai transgressée la règle de prudence que j’observe, tant bien que mal, depuis que j’enseigne : bien séparer ma vie privée de ma vie professionnelle.
Car Alice est en Terminale dans le lycée ou j’enseigne. Et je suis sa professeure de Français.
Certains de mes collègues l’ont surnommée ‘’le chat noir’’, en référence au personnage du Mistigri.
Dans ce jeu de cartes, on doit associer les personnages par paire et éviter de conserver la carte du chat noir en la refilant à un autre joueur, car celui qui a perdu est celui qui se retrouve avec cette carte en main, à la fin de la partie.
C’est ainsi que plusieurs lycées et plusieurs classes se sont refilés Alice, élève indisciplinée et peu motivée par les matières enseignées.
Il est rare qu’elle ait passé une année scolaire entière dans le même établissement. Non pas qu’elle soit de ces élèves qui perturbent une classe. Le problème est ailleurs.
Elle est toujours au centre d’embrouilles diverses et fait régulièrement le coup de poing, pour un oui ou pour un non, avec des filles ou même des garçons.
Dans un établissement dont elle s’est faite renvoyée, elle a été surprise dans les WC avec une autre personne. L’établissement n’a pas dit si l’autre était une fille ou un garçon.
Physiquement, elle est brune, cheveux mi-longs. Son visage est assez mince, comme celui d’un chat. Un chat qui aurait un piercing dans le nez. Et elle a un regard qui fascine. Un œil bleu et l’autre marron/vert. Des yeux vairons, ce qui est assez rare et qui perturbe souvent celui ou celle qui la regarde.
Eté comme hiver, elle porte un perfecto de cuir noir, aussi usé que s’il avait appartenu à Marlon Brando. Et des jeans, de préférence un peu déchirés. Bref, un look ‘’grunge’’ qui ne contribue pas à améliorer son image auprès des profs, mais qui lui vaut l’estime d’une partie des élèves.
Je n’ai pas de problèmes avec elle. Elle semble plutôt intéressée par la littérature et la poésie, mais elle a visiblement décidé de ne travailler que lorsqu’elle en a envie. Et elle semble avoir des nuits courtes car elle pique du nez assez souvent.
Elle aime bien la provocation. Je me souviens d’un cours ou j’avais revêtue une jupe très courte. J’ai, en effet, décidé une bonne fois pour toutes de m’habiller comme j’en ai envie, même si ça ennuie certains.
Assise à mon bureau, j’ai constaté, au bout de quelques minutes qu’Alice était placée de façon à avoir une vue plongeante sur mes cuisses et probablement avait-elle vu ma culotte.
Au lieu de faire comme si elle n’avait pas fait exprès de se décaler un peu sur sa chaise, elle m’a souri et a soutenu mon regard.
J’ai décidé de ne pas réagir et je suis restée exactement dans la même position. A la fin du cours, elle est passé devant mon bureau et, d’un air narquois, m’a dit ‘’merci’’ de façon à ce que je sois la seule à entendre.
Trois jours après, mes élèves m’ont remis le devoir que je leur avais demandé sur la poésie romantique au XIXème siècle.
Dans la copie d’Alice, j’ai trouvé un dessin, celui d’une jeune femme nue et alanguie sur des coussins, la main placée sur son sexe. Il fallait être aveugle pour ne pas se rendre compte que la jeune femme me ressemblait trait pour trait.
J’ai gardé le dessin et, là encore, j’ai fait comme si je n’avais rien vu.
Puis il y a eu ces regards appuyés et un changement de comportement. Alice est soudain devenue une élève active, participant au cours et désireuse de plaire à sa professeure.
Vérifiant auprès de mes collègues, je constate que mon cours était le seul ou elle s’était ‘’réveillée’’.
Il en faut plus pour me troubler. Néanmoins, il m’a semblé la voir, au moins deux fois, qui me suivait dans la rue. Coïncidence ou essayait-elle de savoir ou j’habite ?
Je me suis dit que je me faisais des idées. Jusqu’à cette nuit, au château.
Après avoir fait l’amour avec plusieurs femmes, je me suis attablée au bar, juste vêtue de ma culotte.
J’ai questionné discrètement plusieurs personnes, dont Andrea et Marion. Personne n'a le souvenir d’Alice ou d’une fille lui ressemblant.
Avais-je rêvé ?
J’ai eu la réponse, plusieurs jours après, dans ma boite mail. Je donne une adresse mail à mes élèves, c’est plus facile pour communiquer.
Alice n’a pas vraiment cherché à se cacher. Un message envoyé par ‘’chat_noir’’ m’attendait. Il y avait deux pièces jointes, deux photos de moi, prises lors de cette nuit au château.
Et un texte assez court : ‘’Puis-je passer chez toi, demain soir ?’’
Je ne me formalise pas pour le tutoiement. Pas en dehors du lycée. Et je réponds simplement ‘’oui’’.
(à suivre)
10 months ago